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samedi, décembre 01, 2007

De balcons en terrasses...



DU REFUGE DU CARRO (2763m) AU REFUGE DES EVETTES (2587m)




NB: La grande Aiguille Rousse est juste dans le nord-ouest du refuge du Carro. Seule Marie-Jo prendra l'option ouest à la fin (c'est celle de la carte).

Mardi 11 août ( pendant le repas du soir)

Elle s'appelle Véronique, la gardienne de ce refuge. Sans le savoir, elle va nous permettre de vivre une expérience extra-ordinaire...

Marie-Jo est arrivée et après le double pot de l'arrivée, s'est installée dans notre petit "dortoir".
Le repas du soir se passe à merveille : Une très bonne soupe suivie d'une paëlla, du fromage et je crois, une tarte maison en dessert.
Le compagnon de Véronique arrive à la fin du repas avec une bouteille de...génépi. Du top, quoi !
Rassurez-vous, l'autre table a eu la même chose...
Au fait, vous savez que ce garçon descend tous les jours à 6h30 dans la vallée chercher des provisions en 1h15. Il a uniquement des chaussures de sport, un sac de portage vide, légèrement aménagé et amélioré, sur le dos.
Attention, c'est là que ça devie
nt drôle... Il remonte dans la foulée en un peu moins de 2 h avec 38 kg sur le dos !!!!! On l'a vu...!!!
Revenons à Véronique, si vous le voulez bien. Avec son p'tit air juvénile d'une Audrey Tautou, elle vient discuter très aimablement avec nous pendant qu'on déguste, en connaisseurs, la liqueur bienvenue.
Evidemment, on lui parle de nos aventures des derniers jours et en particulier du sommet de 3000 m qu'on avait fait...
Elle commence, joviale : - "Avez-vous vu celui qui est au-dessus du refuge ?"
- "Non !"
- "C'est la Grande Aiguille Rousse (3482 m), c'est pas très difficile d'accès, le sommet est large, on peut aller jusqu'en haut sans problème, c'est un vrai sommet comme on les imagine..."
Et là, la Véro nous met le coup de grâce...
- "On l'a faite, y'a quelques jours
avec des copines. Vous savez, moi j'attends un bébé, je suis enceinte de quatre mois."
......Et puis la petite marmotte, elle plie le petit papier de la petite tablette de chocolat avec ses petites papattes...
- "Et pourquoi vous nous dites ça à nous ?"
Et là, deuxième coup derrière l'occiput...
- "J'ai vu que votre groupe avait la pêche, alors, je vous en parle..."
A partir de cet instant, nous sommes...à l'écoute de tout ce qu'elle nous dit, à l'affût du moindre renseignement supplémentaire, en attente du plus petit conseil sur le trajet etc, etc...
A la fin du repas, nos deux stratèges sont sur le coup et la décision est prise de tenter l'ascension demain, si la météo le permet.
Le compagnon de Véronique nous propose de nous réveiller à 6h, si le temps est clair là-haut.
Ma nuit ne va plus être la mê
me du tout, l'adrénaline est de retour dans mes veines et je vais avoir en tête cette possibilité de faire, demain, quelque chose de différent, d'imprévu. Bref, je me projette dans l'aventure avec tout ce qu'elle a d'excitant, d'innovant, même si, dans mon fort intérieur, j'ai quand même un peu de doute sur ma capacité à la gérer sur le plan technique dans des situations "gazeuses".

Mercredi 12 août, 6h : Personne n'est venu frapper à notre porte comme convenu. Je me lève discrètement un peu plus tard, et vais jeter un coup d'oeil au bout du couloir : Visibilité très faible dans la vallée et au-dessus, sur la Grande Aiguille Rousse qu'on a déjà surnommée "Mylène", allez savoir pourquoi !!
En me remettant quelques instants dans mon sac de couchage, je fais un petit commentaire de la situation extérieure à Sylvie qui dort à côté, on se dit qu'on va attendre, et on repart pour un tout p'tit somme.

Petit déjeuner copieux après une toilette rapide (tout le monde est passé à la douche, hier). Dehors, ça se dégage, le projet n'est pas encore abandonné...On est très optimiste. La preuve...!



















A 7h36, le sommet convoité est totalement dégagé ainsi que tout le secteur.




Finalement, je crois qu'on va aller "lui" rendre visite...En tous cas, on est décidé.





Nous quittons à regrets notre hôte vers 8h15. Nous sommes six maintenant, ça commence à ressembler à une....expédition. Sur le trajet retour, vers la première bifurcation, nous croisons le mari de Véronique, chargé comme une "mule". Il remonte de la vallée avec les provisions de la journée : Il "vole" littéralement...
On dépasse le croisement pour aller poser nos sacs derrière un gros rocher, à l'abri des regards et de la convoitise. On sera plus efficace en étant plus léger, mais on emmène un minimum de boisson et de barres vitaminées.


















L'aventure commence sur un terrain herbeux parsemés de gros rochers. La pente devient un peu plus raide, on se retourne pour voir le chemin parcouru. Devant nous, le tracé de la sente n'est pas évident à repérer. On n'est pas sur une "autoroute", mais la réussite dans la recherche est collective et on se débrouille bien. On finit par arriver au pied d'une barre rocheuse énorme. Par où passe-t-on? A droite ou là, plus à gauche, sur cette espèce de corniche montante?
And the winner is, the big corniche avec plein de gaz en-dessous.
Sylvie et Sylvain, qui prend progres
sivement du galon, passent devant en éclaireurs. Le reste de la troupe passe par binôme en s'auto-motivant.


















C'est chaud mais tout de passe bien ! La sortie de la corniche nous donne accès à une partie très pentue constituée de terre décomposée, de touffes de végétation rase et surtout de petits blocs de schistes qui prennent un malin plaisir à glisser sous nos chaussures. Les premiers edelweiss apparaissent.







Notre directoire bi-céphale et quadrupédique nous ouvre la voie.
Elle est là, la "Mylène", on la voit. On pourrait la toucher et pourtant...












































Eh bien, c'est perdu !
Encore u
n coup du gros zoom de Sylvain...lol.

Cette partie pentue à souhait est suivie par une succession de petits névés qu'il faut soit franchir prudemment en faisant des marches, soit en les contournant par le haut. Je me permets de vous mettre une photo pour que vous compreniez où on est à cet instant précis. Cette photo a été prise un peu plus tard alors que nous avions atteint le col. Nous venons de franchir le dernier petit névé sur la droite en bas et nos arrivons au pied du grand névé au milieu de la photo.





















Nous n'avons pas d'autre solution pour le traverser que de monter en zig-zag, après être rentrés à l'intérieur par la petite langue rocheuse du bas, ensuite de faire une pause-relais sur la plus grosse langue rocheuse de gauche et enfin, de terminer directement en faisant des marches pour arriver au pied de la grimpette schisteuse qui est juste en-dessous du col.
Nous arrivons tous plus ou moins
facilement sur la bande rocheuse de gauche. La pente du névé augmente beaucoup après et elle semble poser ...problème à au moins trois d'entre nous. Ah, quand le doute s'installe...
Marie-Jo et Henry resteront là. Il me faut les encouragements rassurants de Florence et de Sylvie, pour que je change de décision (je ne le regretterai pas). Sylvie en profite pour emprunter les chaussures d'Henry pour mieux assurer sur le névé et après.






Pendant que je suis un peu en difficulté et "coaché" par Florence, Sylvie et Sylvain arrivent à la sortie du névé. Arrivé au milieu, j'hésite à poursuivre ma traversée en diagonale.



Je monte maintenant tout droit vers le haut en taillant des marches avec la pointe de mes chaussures. Tout ceci me fait arriver un peu décalé à droite par rapport à mes trois camarades. Je vais regretter longtemps cette hésitation. Je suis au pied de la dernière rampe de schiste complètement délité, mais je suis au mauvais endroit. Ne pouvant me décaler sur la gauche, je m'obstine à trouver un passage sur la droite. Eh bien, figurez-vous...La peur du jour ! Je me retrouve dans la paroi, comme un poisson en dehors de son bocal ! Mal de chez mal... Je crois que j'ai eu quelques sueurs froides. Sylvie, qui me connait, a du le lire sur mon visage et vient à mon secours.
Elle me sort de cette fâcheuse situation avec les mots qu'elle sait me dire dans de tels cas. Ce n'est pas la première fois que ça m'arrive.
L'amitié, la confiance en l'autre sont des biens précieux. Oh, que j'étais mal...!
Il nous reste à présent les deux tiers de la rampe
à faire avant d'arriver au col, mais là, j'ai retrouvé le tracé...Ouf !
Sylvain grimpe comme un chamois là-dedans. Il arrive le premier au col et prend quelques photos de nos derniers efforts.































Arrivé en haut au col, je prends ces vidéos...






Et d'une...







Et de deux...

A cet instant, nous sommes en quelque
sorte sur l'épaule de "Mylène" et c'est agréable comme sensation, presque doux d'un seul coup, après toutes ces émotions.
Et si ça faisait un peu partie du bonheur ?
Comme vous l'avez entendu, on ne va pas rester là longtemps à s'extasier. On a un rendez-vous un peu plus haut avec LA "dame".
Alors qu'on attaque les dernières longueurs, deux grimpeurs super-équipés reviennent du sommet. Ils ont des piolets et des cordes. Nous les verrons redescendre par le glacier sur l'autre face du col.
Le panorama est envoûtant !

















Le Mont-Blanc est majestueux, impressionnant de puissance. C'est lui le maître des lieux. Ici, au col, rien entre lui et nous...Là-haut, ça va être magique. La largeur diminuant nous impose d'être prudents sur l'arête sommitale, n'est-ce pas, Florence?






Il est midi passé de quelques minutes, nous sommes au sommet. Certes, ce n'est pas l'Everest et ses 8884m, mais pour trois d'entre nous, dont deux néophytes, c'est une vraie première victoire en montagne.
L'impression qu'on a en haut est difficilement descriptible. C'est un
mélange de fierté, de joie, de bonheur.
Etre au sommet, c'est avoir réussi à surmonter une certaine somme de difficultés. Mais être en haut, c'est aussi vivre quelque chose de pas ordinaire.






Photos-témoin pour la postérité...Petite gloire mais gloire quand même !




































Six en bas, quatre en haut mais c'est un groupe qui a gagné, une fois de plus !

A deux reprises, nous appelons nos camarades restés sur le pierrier. A la deuxième, ils nous répondent. Vu d'en haut, c'est vrai qu'on est pas grand chose.
Après une petite pause contemplation-réjouissance-boisson-alimentation, on attaque la descente car on a encore de la "route" à faire : En effet, dans le projet initial, "Mylène" n'était pas prévue au programme.







A partir du col, la descente se f
ait en "surf sur schiste". Ne cherchez pas, c'est une nouvelle discipline très locale et c'est toujours aussi rigolo quand on a pigé la technique. Mais ça, je vous l'ai déjà dit...




Ensuite, on enchaine avec la descente de névé : Autre technique, pas locale celle-là, qui nécessite une certaine qualité de chaussures ( pas trop de "mordant"), des cuisses en béton et une bonne dose d'allant. Sylvain nous fait une démo qui nous laisse pantois. En un rien de temps, il a rejoint Marie-Jo et Henry sur le pierrier. C'est maintenant au tour de Sylvie : Remarquez la bonne flexion-anticipation avant le déclenchement du virage-aval...C'est une situation d'école...Du grand art !



















En ce qui me concerne, je suis plutôt dans la rubrique "mais pourquoi ces foutues godasses ne glissent pas"et dans une attitude de flexion-blocage qui ne sera guère efficace : Quatre ou cinq chutes et la fin presque totalement sur les ...fesses. La chef nous créditera aussi d'une belle gamelle mais globalement, elle aura marqué encore quelques points. Florence nous fait ça tout en fluidité comme si c'était sa grande spécialité. Ecoeurant !
On repart avec nos petits camarades. Un autre névé et du pierrier à gogo...


















Ma technique de névé s'est améliorée. Henry "coache" Marie-Jo derrière et la "Grande Rousse" est toujours là au-dessus de nous.








Le problème du retour par la
corniche se précise, mais apparemment le nouveau tracé qu'on suit actuellement ne nous amène pas là. Par contre, il nous fait arriver au-dessus d'un passage qui va s'avérer très "rock'n roll", avec jeu de mots volontaire bien sûr. Dans cet endroit, nous sommes passés un par un, en faisant attention à ne pas déclencher des chutes de pierres qui auraient pu être "gênantes"... pour les autres. Chaud-bouillant, ces instants !




On se fait tous, une plus ou moins grosse chaleur dans ce passage. Une fois en bas, on met le turbo, d'autant plus qu'on a l'impression que le temps se gâte derrière nous en particulier sur "Mylène" qui est complètement ennuagée. Le retour aux sacs est presque salvateur : C'est comme si on venait d'échapper aux griffes d'un monstre. Toutes ces difficultés gérées, ça vous fait un peu froid dans le dos quand c'est fini et en même temps, on est satisfait de l'avoir fait.
C'est vrai, aussi, qu'on a un peu...faim !

Une fois, tous les estomacs garnis, la descente vers l' Ecot est amorcée sans concession. Je ne sais pas si le vent nous pousse ou si le courant est favorable mais on a toute la toile dessus et la vitesse sur le fond est impressionnante...Devant et derrière nous, c'est splendide. Le grand beau temps est revenu.


















Tout en continuant à apprécier, ce magnifique paysage, on "dépose" la majorité des autres randonneurs au fur et à mesure de notre progression vers la vallée. Peu de pause, sauf pour boire un peu et enlever des vêtements. Vous avez vu, ELLE est toujours là...


















Par moment, on commence à apercevoir le fond de la vallée.


















Au fait, "elle" est encore là... On est presque arrivé en bas...Il est 15h45...Wouaaaaah !


















16h : Nous sommes en bas.






Nous y faisons une vraie pause en savourant tout ce qu'on vient de faire depuis ce matin. Il nous faut maintenant rejoindre l'Ecot par une route de terre fréquentée par de nombreux randonneurs qui rentrent après leur journée. On rencontre plein de monde, ça fait drôle de voir autant de gens.

A l'Ecot, c'est le summum : Parkings à voitures bondés, poussière omniprésente, bruits en tous genres, cris... Le choc est réel, il n'y a pas eu de transition entre la sérénité de notre univers presque clos et celui qui s'étale sans ménagement sous nos yeux. Heureusement, la traversée du parking n'est pas longue et nous nous retrouvons rapidement au départ de la dernière partie de notre étape.
Pour monter au refuge des Evettes, nous avons deux itinéraires possibles :

- Le classique par l'ouest et le col
des...Evettes, un plus plus long mais peut-être moins "pimenté" d'après notre guide.
- L'autre par l'est, plus court en distance, dont on dit, dans notre bouq
uin, qu'il y a quelques passages aériens équipés de chaines ou de câbles. Il passe par les gorges de la Reculaz : Il est appelé "sentier à John".

Une discussion se met en place pour savoir lequel nous allons choisir. Le côté aérien fait un peu peur à Mari
e-Jo et notre amie connait l'autre pour l'avoir fait l'an passé avec Yann. Finalement, nous irons voir John et ses gorges, et Marie-Jo fera le classique où il y a toujours du monde qui monte à cette heure.

Mais que nous a-t-il pris de vouloir prendre cet itinéraire plutôt que l'autre?
Je vous fait l'article rapidement :



- Départ sans problè
me en prairie au soleil pour contourner la montagne et s'engager sur la rive gauche de la Reculaz.
- Progression à travers une épaisse végétation formée d'arbustes
parfois plus hauts que nous et enveloppants.
- Le "sentier" sur lequel on avance,
a très souvent comme support de très gros rochers souvent espacés les uns des autres et très irréguliers en hauteur.

- Pour finir, deux passages sécurisés avec des câbles, dans deux saignées
très étroites et très...pentues mais finalement pas si impressionnantes que ça.
- Par moment aussi, on vient "flirter" avec les gorges mais ça reste "platonique".


La fin du parcours va sublimer notre fatigue en une volonté farouche de finir. On a mal nulle part ou partout, mais on s'en fiche. Chaque pas vers le haut nous rapproche du refuge et on y arrivera.
Physiquement, on est tous un peu usés. Au cours d'une pause, Sylvie met sa genouillère. Pas bon signe, ça !
Près du sommet, notre route croise celle de bouquetins à deux reprises, puis, sur un rocher, apparait subitement une inscription écrite à la peinture blanche: "Vers le refuge"... On y est presque !
On revient vers la lumière aux deux sens du terme, on voit de plus en plus le ciel. A nouveau des gros rochers ronds, de l'herbe. Il est là, on le voit...


















On n'a plus d'eau depuis un bon quart d'heure : C'est la première fois depuis le début de la rando.
Il est 18h45. Le sentier passe à côté d'un petit lac qui est au pied du refuge .




















Je parlais de bonheur tout à l'heure. A cet instant, au moment où on arrive, il est total.
  Le
Refuge des Evettes va nous accueillir pour le gîte et le couvert, on vient de vivre une journée pleine, inespérée, riche en émotion, en sensation. Que demander de plus...

Dans la prochaine séquence, je vous parlerai de la magnifique dernière journée de cette randonnée.

A très bientôt, avec le plus grand plaisir !


1 commentaire:

Floflo a dit…

Merci JC pour cette mémoire... que d'émotions ! tu es un vrai chef et tous les détails y sont. J'avais même oublié qu'Henry s'était fait racketté ses chaussures (par la chef Sylvie) ah ! ah ! ah ! encore une qui sait y faire ;-)