Arête sommitale du Rinjani, mardi 28 avril 2011: 5h30 locales.
Je viens de stopper ma progression à l'amorce du dernier "raidillon". J'évalue l'altitude à 3550m. Le spectacle de la procession des lampes frontales sur la dernière rampe me renseigne sur la difficulté de ce qui m'attend. La pente me parait insurmontable, compte tenu de mon état et, d'autant plus que le terrain ressemble à un tapis roulant sur lequel progresser est un vain mot...Même avec les bâtons bien réglés, c'est dur.
Les premières lueurs du levant colorent légèrement un coin de ciel au-dessus de la mer. Je suis à bout de force physique et mentale. Je viens de prendre la décision d'en terminer là avec cette quête vers le sommet du Rinjani.
Daniel me rejoint, guidé par sa frontale et je lui fait part de mon choix: Je pense que je n'irai pas plus loin.
Il ne me reste plus suffisamment de tonus et de lucidité pour envisager d'atteindre le sommet et de redescendre sans me mettre en danger, mes genoux en particulier. Les 3 nuits précédentes sans pratiquement dormir, se paient "cash" (le décalage horaire, les deux mauvaises nuits à Senggigi).
Adieu, beau rêve de victoire !
J'ai trouvé sur Youtube ce que j'aurai du voir en prolongeant mon effort...
http://www.youtube.com/watch?v=_ipridkOyN4
Daniel souhaite continuer ou du moins, essayer de le faire.
Voilà plus de deux heures que nous sommes tous les deux, notre guide ayant fait demi-tour dans la nuit pour ramener Bernard au Rim Camp du Sembalun Crater à 2639m .
Bernard était volontaire, comme nous, pour tenter ce sommet malgré la difficile marche d'approche que nous avions faite hier depuis Sembalung Lawang à 1156m, village de départ du trek.
Aujourd'hui, levés à 1h30, nous sommes partis vers 2h après avoir bu un thé et mangé quelques gâteaux. Le moral était bon et tout était ok malgré un gros déficit de sommeil pour ma part.
Quelques temps plus tard, alors que nous étions depuis plus d'une heure dans la partie très raide tout de suite après le camp, notre ami est pris de violents spasmes et se met à vomir. Après deux tentatives courageuses pour poursuivre, Bernard abandonne, la mort dans l'âme... Notre guide raccompagne notre ami, nous autorise à poursuivre parce que nous ne sommes pas seuls dans le coin.
A cette heure, de nombreuses équipes sont en route. On les aperçoit en contre-bas et d'autres nous ont déjà rattrapées et sont déjà devant nous. En somme, un cortège presque ininterrompu de lampes frontales est à l'assaut du sommet.
Depuis quelques instants, d'ailleurs, nous faisons le yo-yo entre les différents groupes tantôt "rattrapants", tantôt rattrapés.
5h40: Daniel est reparti depuis deux minutes, il est à une dizaine de mètres au-dessus de moi. Une dernière hésitation, une pensée furtive de repartir et....Je me retrouve seul avec ma décision. C'est la première fois que je fais demi-tour dans une rando et surtout, c'est la première fois de ma vie que je suis dans un tel état de fatigue. Je n'en peux plus !
Est-ce que j'avais le choix?
A l'abri du vent, derrière un gros bloc de lave, je contemple avec une relative sérénité les premières lueurs du jour qui se lève. Je n'ai pas craqué, j'aurais pu m'en vouloir, m'interpeller intérieurement, mais j'ai tenu.
"T'en peux plus, alors, t'arrêtes!"
C'est simple à dire, mais plus difficile à faire, surtout quand vous vous êtes motivé pour ce sommet, que vous y pensez depuis des jours et des jours, que vous vous êtes dit: " Celui-là, je l'aurai comme le Thorung-La, au Népal, l'année dernière...!" (voir Le tour des Annapurnas (2010) : High Camp - Thorun...)
Je ne suis même pas triste, je ne pleure même pas, c'est bizarre ! Etrangement, je suis bien, en paix avec moi-même...
Mais regardez ce que j'aurai pu découvrir en haut et ce qu'a vécu sûrement mon ami Daniel...En prime, la descente...
http://www.youtube.com/watch?v=yGuNcNvtzs0
Ah oui, le jour qui se lève...

Je viens de stopper ma progression à l'amorce du dernier "raidillon". J'évalue l'altitude à 3550m. Le spectacle de la procession des lampes frontales sur la dernière rampe me renseigne sur la difficulté de ce qui m'attend. La pente me parait insurmontable, compte tenu de mon état et, d'autant plus que le terrain ressemble à un tapis roulant sur lequel progresser est un vain mot...Même avec les bâtons bien réglés, c'est dur.
Les premières lueurs du levant colorent légèrement un coin de ciel au-dessus de la mer. Je suis à bout de force physique et mentale. Je viens de prendre la décision d'en terminer là avec cette quête vers le sommet du Rinjani.
Daniel me rejoint, guidé par sa frontale et je lui fait part de mon choix: Je pense que je n'irai pas plus loin.
Il ne me reste plus suffisamment de tonus et de lucidité pour envisager d'atteindre le sommet et de redescendre sans me mettre en danger, mes genoux en particulier. Les 3 nuits précédentes sans pratiquement dormir, se paient "cash" (le décalage horaire, les deux mauvaises nuits à Senggigi).
Adieu, beau rêve de victoire !
J'ai trouvé sur Youtube ce que j'aurai du voir en prolongeant mon effort...
http://www.youtube.com/watch?v=_ipridkOyN4
Daniel souhaite continuer ou du moins, essayer de le faire.
Voilà plus de deux heures que nous sommes tous les deux, notre guide ayant fait demi-tour dans la nuit pour ramener Bernard au Rim Camp du Sembalun Crater à 2639m .
Bernard était volontaire, comme nous, pour tenter ce sommet malgré la difficile marche d'approche que nous avions faite hier depuis Sembalung Lawang à 1156m, village de départ du trek.
Aujourd'hui, levés à 1h30, nous sommes partis vers 2h après avoir bu un thé et mangé quelques gâteaux. Le moral était bon et tout était ok malgré un gros déficit de sommeil pour ma part.
Quelques temps plus tard, alors que nous étions depuis plus d'une heure dans la partie très raide tout de suite après le camp, notre ami est pris de violents spasmes et se met à vomir. Après deux tentatives courageuses pour poursuivre, Bernard abandonne, la mort dans l'âme... Notre guide raccompagne notre ami, nous autorise à poursuivre parce que nous ne sommes pas seuls dans le coin.
A cette heure, de nombreuses équipes sont en route. On les aperçoit en contre-bas et d'autres nous ont déjà rattrapées et sont déjà devant nous. En somme, un cortège presque ininterrompu de lampes frontales est à l'assaut du sommet.
Depuis quelques instants, d'ailleurs, nous faisons le yo-yo entre les différents groupes tantôt "rattrapants", tantôt rattrapés.
5h40: Daniel est reparti depuis deux minutes, il est à une dizaine de mètres au-dessus de moi. Une dernière hésitation, une pensée furtive de repartir et....Je me retrouve seul avec ma décision. C'est la première fois que je fais demi-tour dans une rando et surtout, c'est la première fois de ma vie que je suis dans un tel état de fatigue. Je n'en peux plus !
Est-ce que j'avais le choix?
A l'abri du vent, derrière un gros bloc de lave, je contemple avec une relative sérénité les premières lueurs du jour qui se lève. Je n'ai pas craqué, j'aurais pu m'en vouloir, m'interpeller intérieurement, mais j'ai tenu.
"T'en peux plus, alors, t'arrêtes!"
C'est simple à dire, mais plus difficile à faire, surtout quand vous vous êtes motivé pour ce sommet, que vous y pensez depuis des jours et des jours, que vous vous êtes dit: " Celui-là, je l'aurai comme le Thorung-La, au Népal, l'année dernière...!" (voir Le tour des Annapurnas (2010) : High Camp - Thorun...)
Je ne suis même pas triste, je ne pleure même pas, c'est bizarre ! Etrangement, je suis bien, en paix avec moi-même...
Mais regardez ce que j'aurai pu découvrir en haut et ce qu'a vécu sûrement mon ami Daniel...En prime, la descente...
http://www.youtube.com/watch?v=yGuNcNvtzs0
Ah oui, le jour qui se lève...
Je vais attendre maintenant qu'il fasse suffisamment jour pour envisager la descente en toute sécurité. Je sais que d'autres grimpeurs sont en en-dessous de moi, qu'ils se sont arrêtés aussi, et attendent avec leur guide que le jour se lève pour rejoindre de camp d'altitude. Nous en avons dépassés tout à l'heure avec Daniel.
Avec la clarté du jour, j'entame ma descente progressivement et prudemment. J'ai retrouvé un peu de forces pour assurer ma progression sans prendre de risques. J'ai mal partout, mes cuisses sont en feu et ne font plus office d'amortisseurs, je compense avec les bras et, bien sûr, les bâtons.
Autour de moi, le spectacle s'organise.
Dans l'est, le soleil joue avec les nuages omniprésents.
Dans l'ouest , on distingue nettement l'ile de Bali avec le sommet du mont Agung, un volcan qui culmine à plus de 3000m, ainsi que les trois îles des Gilis ( gili , c'est île en indonésien) posées comme des nénuphars sur la mer.
Sur ma gauche, le lac du cratère du volcan m'offre une autre perspective que celle d'hier au moment où je suis arrivé sur la crête.
Mais, l'est reprend subitement l'avantage en me proposant un merveilleux spectacle tout en couleurs subtiles...
Le cratère du Gunung Baru laisse s'échapper des fumeroles sur son flanc et le lac s'éclaircit.
Au bout de l'arête, je découvre une voie assez particulière qui me permet de descendre presque jusqu'au camp comme si j'étais sur une piste de bobsleigh.
En gros, on descend en "skiant" sur les boules de laves dans 30 à 40 cm de profondeur. Avec les bâtons, c'est un régal. Chaque enjambée vers le bas nous fait progresser de 2 à 3 m. Bien sûr, il faut avoir prévu des guêtres car, sans elles, le remplissage des chaussures serait automatique...
En gros, on descend en "skiant" sur les boules de laves dans 30 à 40 cm de profondeur. Avec les bâtons, c'est un régal. Chaque enjambée vers le bas nous fait progresser de 2 à 3 m. Bien sûr, il faut avoir prévu des guêtres car, sans elles, le remplissage des chaussures serait automatique...
Le camp se rapproche avec la perspective de retrouver un peu de repos et surtout mes amis qui doivent encore dormir car le soleil vient tout juste de s'inviter sur les toiles de tentes.
Il est 8h quand j'arrive près de notre campement. Je suis très fatigué mais heureux d'en avoir fini avec cette descente que je craignais tant.
Marie-Do est dehors et m'accueille chaleureusement. Tout doucement, le campement se réveille. Evidemment, je raconte mon "aventure", mon échec, mais je ne sais pas à cet instant si Daniel est allé au bout.
Après, je ne pense plus qu'à une seule chose: me mettre à l'aise et me reposer... et me débarbouiller un peu. Je suis un peu comme un "zombie".
Joël s'extirpe de la tente dôme pour me permettre d'y accéder et me crédite d'un "alors?" qui en dit long. Je re-raconte, mais le coeur n'y est pas.
Je ne sais pas si mes amis sont fatigués ou bien ne sont-ils pas bien réveillés après cette nuit très froide et très humide, mais je sens que leur déception n'est pas à la hauteur de la mienne. Tant pis !
Petit à petit, je refais surface et j'entreprends une longue séance de déshabillage et de toilette qui va me permettre de me remettre en état, morceau par morceau, car dans un peu plus d'une heure, il est sérieusement question de repartir et de poursuivre le programme prévu.
Un brouhaha, à l'autre bout du campement, attire mon attention. C'est Daniel qui revient en vainqueur, ce qui justifie largement ces éclats de voix, de joie partagée. Lui aussi, il raconte: Ses quarante-cinq dernières minutes d'ascension, son arrivée au sommet, sa joie d'y être parvenu, sa photo-témoin en haut, sa petite déception concernant les nuages et le panorama tronqué, sa descente sans problème, sa fatigue...
Je me suis levé hors de la tente et je l'écoute en buvant ses paroles. Daniel parle simplement, humblement avec ce sourire qui irradie son visage et qui en dit long sur son bonheur d'avoir réussi.
Vous savez, à cet instant, dans ce genre de situation, j'ai compris ce que Michel Malinowski avait voulu nous faire comprendre en écrivant son livre, après son arrivée à la deuxième place de la Route du Rhum en 1978: "Seule la victoire est jolie..."
Le succès de notre ami Daniel est fêté joyeusement autour d'un petit déjeuner copieux (les traditionnelles pancakes à la banane). Après, il est tout de suite question de préparatifs de départ, avec la concentration qui va avec: Ranger ses affaires, les plier, choisir les vêtements qu'on va mettre, faire son sac.
Vers 9h30 locales, alors que la brume s'est totalement dissipée, nous repartons pour une descente de quelques heures, qui va nous permettre de rejoindre les bords du lac...
Et si on reprenait au tout début de cette nouvelle "aventure"...
Mais pour le découvrir, il faut nous rejoindre à la prochaine séquence, mais là, je sais que vous savez comment faire, n'est-ce pas ?
A plus !
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