Galice (23/07-13/08/2011), Belle-Ile - Viveiro...

                
        Lundi 25 juillet: Il est presque 8h quand j'émerge sur le pont pour satisfaire un petit besoin naturel. Le plafond est bas et humide et le vent comme prévu, NO f 3-4. "Chadburn" roule un petit peu depuis une bonne heure. Au fait, savez-vous ce que "Chadburn" signifie ? Si vous avez la réponse, donnez-la dans les commentaires. 
Ce léger roulis est sans doute du à la fin du flot associé au retour d'onde venant de la digue du port. Le petit déjeuner se met en route et chacun d'entre nous se prépare au départ qui devrait avoir lieu vers 10-11h.
Après le p'tit dèj, Cyrille demande à me voir et m'informe qu'il ne souhaite pas continuer. Il pense et a constaté que le milieu marin n'est pas fait pour lui (il fait partie des deux débutants). Il est très angoissé par cette traversée du Golfe de Gascogne, n'a que peu dormi et souhaite donc quitter le bord.
Après un au revoir au reste de l'équipage, nous profitons de la navette-course pour le conduire à terre. Nous regretterons la présence de Cyrille, mais nous ne pouvons, hélas nous mettre à sa place. Il a pris la décision qui lui convenait.
Vers 10h30, après avoir fait des emplettes complémentaires avec Franky, nous revenons à bord et préparons le départ pendant que Régis et Laurent s'occupe de dégonfler l'annexe, de la ranger et d'amarrer le petit hors-bord de 2 cv.
10h45: Le moteur in-board est en marche. La double pointe avant est larguée prestement.
 On va chercher le vent à l'ouvert de la baie, sous la pointe de Taillefer sous GV et moteur.

DE BELLE-ILE VERS LA GALICE (Espagne)

Vers 11h, nous sommes à la voile et nous empannons pour la première fois pour parer la pointe de Kerdonis et sa cardinale Est (L'empannage est une manoeuvre qu'on fait dans le virement en passant par le vent arrière, c'est plus délicat qu'un virement par le vent devant, surtout quand il y a beaucoup de vent, car la bôme passerait trop rapidement d'un bord à l'autre, si cette manoeuvre n'était pas contrôlée). Cap au 190.
"Chadburn" file plus de 6nds au "travers", c'est tout bon.

Le lien ci-dessous vous servira à suivre notre progression.

http://maps.google.fr/maps?client=firefox-a&rls=org.mozilla:fr:official&channel=s&hl=fr&q=carte Golfe de g

Bulletin météo du CROSS Etel (en continu, sur le canal 63 de la VHF): AC 1025 des Açores au CG, DEP 1000 sur Scandinavie, vent O à NO 3-4 passant à 2-3 la nuit, tps nuageux se dégageant. Tendance ultérieure NO 3-4 et N 2-3 pour la nuit de lundi à mardi.

Vers 15h, la cardinale est dans notre sillage et Jacky se régale à la barre. Le soleil commence à faire des apparitions.

"El navigator" à la barre...

Notre speedo est un peu pessimiste d'un bon noeud et demi. Je le sais depuis le tour de Bretagne. On fera avec...

15h20: On déborde la pointe de l'Echelle. Cap au 230, on est en route directe au "débridé", bateau à peine gîté et en plus on va vers le bleu...

Peu après le repas, pris par anticipation à l'heure espagnole, une première sieste...s'organise ! 

J'ai même des preuves plus flagrantes encore...


Avec, par ordre d'entrée en sieste...

L......

B..

G.....

Finalement, cette présentation désordonnée, est tout à fait adaptée...Au fait, ils sont pas mignons, tous ?

F..

F......

Dehors, Régis maintient le cap...

 

Dormez, braves gens, la "boutique" avance...!!

- 19h: Pos GPS 45 45 N, 3 44 O, W4, cap 227. On se fait une bonne soupe bien épaisse avant la nuit...

- 20h15, c'est notre premier vrai contact avec nos amis les dauphins.

Nous en verrons beaucoup pendant tout notre périple, parfois plusieurs fois par jour, et pour le retour, ils nous réserveront une prestation peu banale.

Il est un peu plus de 20h sur "Chadburn"et certains membres de l'équipage font de la résistance ou prennent un acompte pour la nuit. Pour les autres, c'est la dernière fois aujourd'hui où l'équipage sera réuni car dès 22h, les quarts de nuit (2h) seront en place jusqu'à 8h demain matin.

La nuit va se mettre tout doucement et sereinement en place sur notre "411". Les brassières auto-gonflantes seront obligatoirement capelées et frappées sur les lignes de vie. On évitera les excursions au-delà du cockpit et de ses hiloires (les bords latéraux du cockpit). Avant la nuit, on prend un ris dans la GV par anticipation (on diminue la surface de la voile. Sur notre bateau, nous avons des prises de ris automatiques avec une seule bosse ), comme ça, on a une manoeuvre d'avance si le vent vient à monter sensiblement.

- 22h15: Pos GPS 46 25 N, 4 02 O, NW 3, 1014, cap 220, 6nds.


- Mardi 26 juillet, 3h15: Pos GPS 46 02 N, 4 36 O, cargo faisant route vers l'ouest, trois ou quatre milles devant nous...
- 6h15: Pos GPS 45 47 N, 4 49 O, NW 4-5, 1015, cap 223, 7nds3, petite bruine.
- 8h45: Pos GPS 45 26 N, 5 12 O, NW 3-4, 1017 ("tiens-tiens, ça monte"). Les quarts sont finis et Franky est venu me rejoindre sur le pont. On aperçoit un voilier à notre vent. Quelles possibilités avions-nous de voir ce bateau pendant notre traversée ? Certainement, une sur plusieurs millions, sans doute... J'ai essayé de l'appeler en VHF: Pas de réponse...C'est vrai qu'il était loin, mais pas hors de portée...

Remarquez, je suis, moi-même, très rarement en veille VHF pour des problèmes d'économie d'énergie tout simplement.


-11h45: C'est l'heure du "p'tit dèj". Vous voyez, on est largement à l'heure espagnole. Nous naviguons depuis un petit peu plus de 24h. 
"Flo" n'a pas quitté sa couchette, ce matin; elle est malade et a "adopté" un de nos 2 seaux bleus que je vide et nettoie régulièrement. Mais elle un moral en béton.


- 16h30: Le seul autre évènement de la journée, c'est la rencontre avec un cargo qui faisait route de collision avec nous. On a du se mettre en ralingue (changer de cap en déventant les voiles) pour le laisser passer. Ah si, grosse contrariété, Franky n'a pas pu pêcher, on va trop vite...!!! (pardon, Franky, c'est pour rire !)

Vous voyez, c'était pas loin, quand même !


- 17h45: Mise en marche du moteur pour bien charger les batteries avant notre deuxième nuit de navigation. On coupe à 18h45.

- 22h: Mise en place des quarts...Pas de prise de ris, ce soir.
- 23h55: Pos GPS 44 28 N, 6 37 O, N f3. Baro 1023hp (encore en hausse). Gérard se demande, sourire aux lèvres, s'il ne serait pas possible d'envoyer le... spi. C'est une chose qui peut attendre demain quand il fera jour si le vent se maintient au nord. Le beau temps s'installe. On commence à voir quelques étoiles...

Quart de nuit pour Laurent...

Chadburn taille sa route dans la nuit...

- Mercredi 27 juillet

- 4h20: Pos GPS 44 16 N, 7 06 O, N f3, on fait un peu plus d'ouest pour avoir un meilleur angle. Cap 240. 6nds sur le fond.
- 9h25: Petit déjeuner.
"Tiens, on est un peu plus tôt qu'hier !"

  


Vous le voyez, le moral est au plus haut !!! 
Et pourtant, on navigue depuis 46h...
On vient d'empanner...pour la deuxième fois depuis notre départ de Belle-Ile.
Le temps s'est éclairci devant nous et depuis 5 minutes, on voit ça...

Alors à votre avis, il est comment notre moral, maintenant ? 
 Oh, bien sûr, on n'est pas arrivé, mais on sait, depuis 5mn, qu'on va arriver dans la journée... C'est "trop" bien comme on le dit maintenant.
Alors, notre point de chute serait Viveiro, un petit port avec une marina confortable au fond d'une ria typique. Gérard avait prévu cette arrivée au cas où nous serions en avance sur un timing calé, lui, à 72h. La joie règne à bord car nous sommes conscients d'avoir fait une bonne "perf" pour cette traversée. Apparemment, il n'y a que moi qui croit encore aux 72h ou bien je ne sais pas compter ou bien je n'ai même pas été capable de "critiquer" la fausse info qu'on m'a donnée. Manque de lucidité due à la fatigue sans doute, je n'ai pas vraiment dormi depuis notre départ de Belle-Ile.
Alors ne m'en voulez pas, si, par deux fois dans les vidéos suivantes, je répète la même erreur, 72h au lieu de 52h. Y'a quand même 20h d'écart...
Notre ETA (Estimate Time Arrival) n'est pas très précise (elle va dépendre des bascules de vent et de sa force, ainsi que de notre capacité à exploiter le tout) mais ce serait en début d'après-midi...

- 11h20: Pos GPS 43 46 N, 7 24 O, NNE 4 (le vent tourne à l'est quand on se rapproche de la côte), 1023hp, cap au 207 après l'empannage. Le beau temps est là.

- 12h39: Un nouveau ti-punch est en route pour fêter dignement cette excellente nouvelle et le spectacle magnifique de cette côte qui se découvre petit à petit...
Ecoutez le commentaire de Franky, c'est assez rigolo !
Y'a un peu de mise en boite, non?

Nous venons de faire notre avant-dernier empannage et nous longeons maintenant la côte à bonne distance. L'existence de ce port cimentier, dans l'est de Viveiro, a constitué un amer très remarquable et a facilité notre atterrage. 
NB: C'est justement, au mouillage dans ce port, que Jean-Pierre Dick à bord de son voilier Imoca "Virbac Paprec" fera, bien malgré lui, une escale suite à la rupture de sa quille pour attendre une météo plus clémente avant de traverser le Golfe de Gascogne et ainsi terminer son Vendée Globe.
Un peu plus tard, on passe au nord de la pointe de Viveiro à l'entrée de la ria. Il nous reste un dernier empannage. 

 

Vous ne pouvez pas imaginer ce qui trotte dans notre tête en ce moment. 
Personnellement, je cache mon grand bonheur à l'intérieur, car il faut qu'on reste concentré pour notre dernière manoeuvre. Le vent a forci un peu et ça va être un peu plus délicat à gérer. Alors, pas d'enthousiasme trop précoce !

Après une dernière manoeuvre bien maitrisée, nous mettons un point d'honneur à rentrer le plus loin possible à la voile. Ces moments sont délicieux à vivre et à partager avec un équipage. Justement, je réussis à convaincre "Flo" de sortir de sa cabine pour qu'elle puisse partager l'arrivée avec nous.
Ah oui, l'arrivée justement !
Vous avez l'impression de déguster goulûment, une friandise sucrée, du genre glace avec de la crème Chantilly. Vous voyez à peu près, ce que je veux dire...
Cette dernière vidéo, je l'ai prise à 13h42. Nous sommes le mercredi 27 juillet. Il nous reste à peu près 15-20 mn avant de franchir la jetée du port de pêche, derrière laquelle nous affalerons, à l'abri du vent et de la mer, la grand-voile après avoir enroulé le génois et mis le moteur en marche.
Il est 14h15, soit exactement 53h15 de port à port.
Nous sommes en train de vivre un grand moment, très solennel. Vous vous rendez compte, on vient de traverser le golfe de Gascogne et, en plus, en moins de 52h (à l'entrée de la ria). 
Pour certains équipiers, c'est une première: "Levez la main s'il vous plait ?"
Après l'entrée du port de pêche, débute un large chenal protégé qui nous conduit vers la marina. J'appelle la capitainerie sur le canal 9 de la VHF. 
Mon espagnol n'étant même pas basique, j'essaie l'anglais et ça marche. Très vite, sur la jetée du port de plaisance, un homme arrive à vélo et nous indique avec des grands gestes, la place qu'il nous attribue. Plutôt sympa comme accueil !
Il est même là, sur le ponton, pour recevoir la pointe avant. Arrivés... 
Amarres sécurisées, pare-battages réglés, bouts lovés, pont rangé, le moteur est coupé. Je finis de remplir le livre de bord.
A cet instant, le cri de joie est très intérieur. Vous, qui me connaissez, vous comprenez certainement ce que je veux dire par là.
Remarquez, il suffit d'observer les regards que s'échange l'ensemble de l'équipage, à cet instant précis, pour comprendre.
Après, c'est, normalement, l'inévitable moment de décompression mais nous on a eu le droit à l'épisode "branchement électrique au ponton".
1- Notre rallonge est trop courte pour aller jusqu'à la borne
2- Nos voisins le constatent.
3- Résultat: Une opération solidarité-assistance se met tout de suite en place pour que nous puissions accéder à la "fée électricité". Au bout d'un bon quart d'heure, l'affaire est réglée grâce à une permutation de matériel.
Il est 15h30, précises. Nous avons parcouru un peu plus de 300 milles en 53h15, c'est à dire un bon 6 noeuds de moyenne. Et tout à la voile, pas mal !

Une fois le calme revenu après l'effervescence de l'arrivée, je fais une petite vidéo panoramique...

J'ai aussi recherché et trouvé quelques photos sur internet, n'en n'ayant pas pris moi-même...

La Ria de Viveira...( la jetée et le chenal)

Façades de maison avec vue sur le port...

Dans l'après-midi, nous déjeunerons (certes, un peu tardivement), ferons la "clearance" (il faudra la faire dans chaque port), sécherons le linge humide, referons le plein d'eau, vérifierons les niveaux moteur, bien que celui-ci ait peu tourné etc. Il y avait de quoi s'occuper.

Avant...

Après...

En toute fin d'après-midi, nous partons tous découvrir la vieille ville avec l'intention de ne pas revenir avant ce soir et donc, de diner à terre.
Le centre de Viveiro est superbe avec ses petites rues étroites et très animées. Et dire que je n'ai même pas pris mon appareil photo ! 

Ruelle dallée ...

Maison typique...

Après une bonne ballade, on se pose à la terrasse d'un bar dans une ruelle noire de monde. 

Franky, qui connait bien l'Espagne et ses traditions (quel bonheur !), nous commande une bonne bouteille de vin blanc local servi frais. Une jeune femme vient nous servir rapidement, en accompagnant notre commande de délicieux tapas que nous dégustons sans réserve aucune. Vient le tour du "pulpo galecia". Alors là, pour moi, c'est le choc ! Délicieux et en plus, dans l'ambiance de cette ruelle après ce qu'on vient de vivre...Allez, photo...

 

On en mangerait, non ?

Eh bien, on en a mangé et aussi leurs petits collègues tapas, les encornets, la seiche...
Après cette première manche, on se refait une petite promenade avant d'atterrir dans un vrai restaurant où cette fois-ci, on se commande plusieurs sortes de "racionnès". De cette façon, chacun d'entre nous peut goûter à tout.
Curieusement, nous sommes seuls dans la salle car très en avance sur l'horaire espagnol.
Fin de soirée formidable. Il fait presque chaud. Retour pas trop tardif au bateau car demain, on navigue...

Sur la droite, le port...

Et si vous voulez nous suivre, vous savez quoi faire, non ?
A demain...!