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Il est 6h quand j'émerge sans avoir ni beaucoup, ni bien dormi. Hier soir, j'ai eu un début de mal de tête et j'ai du prendre 1g de Paracétamol sur les conseils d'Olivier. C'est l'avantage d'avoir un médecin dans notre groupe et en plus de partager sa chambre. Je n'ai plus mal à la tête, ça c'est positif, mais je suis un peu "dérangé" au niveau intestinal si vous voyez ce que je veux dire. C'est pas catastrophique mais suffisant pour me gâcher un peu les heures à venir. Avant de prendre un médicament (je n'aime pas trop), je vais attendre pour voir comment ça évolue. Autrement, il faudra bien. Le problème sera de trouver des endroits discrets et ici, ça manque un peu de végétation. Y'a des gros cailloux, on verra bien.
| On quitte Lobuche...En face le Tabuche Peak (6367m) et le Cholatse (6335m)... |
A 7h15, quand nous quittons Lobuche, le village n'est plus dans l'ombre. Pour l'instant, la progression n'est pas difficile, c'est pratiquement plat, mais on sait qu'un sérieux "coup de rein" nous attend: Le Lobuche Pass à 5110m. Petit à petit, le soleil nous réchauffe.
Vers 7h30, on remonte progressivement la moraine latérale du glacier du Khumbu sur un faux-plat entrecoupé de rudes grimpettes qui nous laissent le souffle court car on est presque à 5000m, quand même.
Le tempo est modéré, nous sommes en colonne. Les différents groupes de trekkeurs sont pratiquement tous partis en même temps. Certains nous passent sans problème.
Dans certains passages délicats, on est obligés d'attendre surtout quand il s'agit des convois de porteurs des grosses expéditions de retour du camp de base.
| Progression à travers des gros cailloux: pas facile...En face, le Pumo Ri. |
Un tout petit peu avant 8h, on passe vraiment les 5000m d'après mon altimètre.
J'ai déjà du m'arrêter une fois. Ici tout le monde comprend: Quand un trekkeur s'écarte du chemin et se dirige vers un gros caillou, on sait pourquoi...
Vers 8h05, on est au pied du col et on attaque la "falaise".
| Au début du col : Petite pause-photo et "autre"... |
La montée d'un col, c'est une question d'endurance. Il faut trouver le bon tempo pour ne pas se retrouver dans le "rouge". On peut aussi s'imposer une micro-pause tous les 10 ou 20 pas, mais surtout éviter de regarder en haut pour évaluer sa progression sauf si on a un moral d'acier.
Aujourd'hui, j'évite car je ne suis pas au mieux.
Vers 9h, je suis en haut du col.
| Le Nuptse (7861m)... |
Pendant la pause, en attendant le reste de la troupe, je fais une vidéo.
Vous constatez que je fais encore une grosse erreur dans la vidéo: Il y a bien un glacier sur le Nuptse (on le voit bien) mais celui qui creuse une énorme saillie, c'est celui du Khumbu, Jean-Charles. Alors !
Ce matin, je ne suis pas très "brillant", mais mes problèmes intestinaux s'arrangent tout doucement.
Bernard n'est pas au mieux non plus aujourd'hui. Daniel est avec lui, en arrière, ainsi que Kancha un de nos sherpas.
Après le col, c'est à nouveau du faux-plat traditionnellement népalais (je vous rappelle que c'est une expression de notre ami Bernard qui a été adoptée par Pradip, notre guide).
Il y a aussi une autre expression qu'on a adoptée dans le groupe, c'est "c'est possible !", mais celle-ci ne provient pas de Bernard mais de Pradip lui-même qui répond très souvent à nos questions par "c'est possible !" ce qui lui évite d'être plus précis dans sa réponse et surtout de ne pas s'engager trop loin: Malin, le bougre !..
Ici, les alternances du faux-plat sont un peu plus marquées. C'est au sommet d'une grimpette que je peux faire cette série de photos. On le voit enfin !
Il y a aussi une autre expression qu'on a adoptée dans le groupe, c'est "c'est possible !", mais celle-ci ne provient pas de Bernard mais de Pradip lui-même qui répond très souvent à nos questions par "c'est possible !" ce qui lui évite d'être plus précis dans sa réponse et surtout de ne pas s'engager trop loin: Malin, le bougre !..
Ici, les alternances du faux-plat sont un peu plus marquées. C'est au sommet d'une grimpette que je peux faire cette série de photos. On le voit enfin !
| Il y a du zoom, mais c'est bien lui, le camp de base de l'Everest... |
On pourrait presque le toucher. L'émotion est forte parce que l'image, associée à la désignation du lieu, ça me parle. Je n'y crois pas, mais c'est bien le camp de base qu'on voit d'ici. Pradip et Babu ont eu une façon détachée de nous le dire et je n'ai pas l'impression de vivre le grand moment que j'attendais si intensément. Quand on avait repéré l'Everest pour la première fois après Namche Bazar, Pradip avait dit, en nous le montrant, "le toit du monde". C'était plus solennel...
Cet endroit fait partie de leur "quotidien", alors, pour eux, il n'y a pas d'émotion quand ils ne voient mais nous, nous, c'est ce qu'on est venu chercher.| Les deux sommets au fond : Le Lingtren (6749m) et le Khumbutse (6665m), puis le pied de la cascade de séracs et le glacier du Khumbu... |
| Séracs sur le glacier... |
| Pumo Ri (7165m) et Kala Patthar (5550m)... |
| Le Khumbutse (6665m), le Changtsé (6595m), le Nuptse (7861m) et son glacier, et le glacier du Khumbu... |
Au cours d'une micro-pause, je m'offre cette vidéo avec un premier zoom sur le fond de la vallée. On y est, c'est superbe ! On croit rêver.
En fait, c'est seulement grâce à l'effet zoom de mon APN que j'ai l'impression d'y être, mais c'est tout. Il reste encore de la route et quelques heures de marche à faire et peut-être pas les plus faciles.
Il est un peu plus de 10h (on n'a jamais arrivé aussi tôt dans un village d'étape) quand nous sommes en vue de Gorakshep (5140m) après avoir escaladé une dernière dénivelée significative: C'est la moraine frontale des glaciers qui descendent des sommets sur notre gauche (le Changri 6027m et le Chumbu 6859m): Le Changri Nup glacier et le Changri Shar glacier.
| Le Pumo Ri au-dessus du Kala Patthar et de Gorakshep. Cône blanc au fond, le Lingtren (6749m) et à droite, le Khumbutse (6665m)... |
Je décide de faire une autre vidéo pour vraiment marquer cet instant. On est pas tout à fait au bout du bout, mais on en est plus très loin. Alors !
Dans quelques instants, si tout va bien, nous serons à l'entrée d'un lodge de Gorakshep. Nous aurons ainsi respecté une grande partie de notre projet, le camp de base de l'Everest et le Kala Patthar étant "optionnels".
| Le Pumo Ri, le Kala Patthar, le lodge. Peut-on rêver mieux ? |
Après la traditionnelle pause d'arrivée, on prend possession de nos chambres. C'est très rustique et surtout bien frais. Pendant la préparation du repas, Pradip nous fait un briefing sur la "sortie" aller-retour au camp de base, prévue cet après-midi. Le premier grand moment est arrivé.
Apparemment, après réflexion de chacun d'entre nous, nous ne serons pas tous partants.
Au repas, soupe de nouilles et....frites. Je n'ai pas faim, je ne sais pas si c'est le stress, mes ennuis intestinaux, la fatigue accumulée, ma piètre nuit sans sommeil, l'appréhension; ça fait beaucoup, non ?
Je mange quelques frites et un tout petit peu de soupe. Je sais que dans les prochaines heures, si tout va bien et c'est peut-être ça qui me taraude vraiment, je vais vivre un rêve d'adolescent rêveur, mais aussi d'adulte passionné: Aller et arriver au camp de base du Mont Everest, le plus connu des camps de base, celui des innombrables expéditions internationales.
C'est trop fort, j'ai même du mal à déglutir. C'est pour ça que je ne peux pas manger. Pourtant, il le faudrait, car voilà le parcours en aller-retour qui nous attend.
Agrandir le
A: Gorakshep.
B: Le camp de base de l'Everest.
A 12h15, nous sommes 6 à partir en ordre un peu éclaté: Christiane, Olivier, Daniel, Philippe, Christian et moi.
Il y a un sherpa devant et un derrière nous. Nous ne sommes pas groupés et je pense savoir pourquoi. Chacun d'entre nous est certainement dans son "trip". Et puis, ça fait deux semaines qu'on partage le même univers. Il est possible qu'on veuille vivre ce moment un peu isolé, dans notre bulle. On est à vue, mais pas ensemble. Il n'y a pas de problème de sécurité, mais c'est très spécial.
Déjà au départ, chacun choisit son option pour gagner la moraine latérale du glacier: Soit directement par le haut (pas facile) ou en utilisant la partie sablonneuse en bas. En fait, c'était la partie la plus compliquée.
Après, on progresse sur un chemin accidenté et sinueux. Dès lors, je ne me pose pas trop de questions, j'avance mais sans oublier de regarder autour de moi.
| Immense fracture dans le glacier... |
| Gros plan sur la paroi sud-ouest du Nuptse... |
| Là, on voit tout, et ce rayon de soleil, quelle chance ! |
13h20, ça y est, j'y suis presque ! Je suis un peu débordé par mon affectif trop fort, mais à cet instant je suis libéré du challenge que je m'étais donné de faire. J'ai réussi, je suis fier.
Maintenant, il ne me reste plus qu'à descendre de la moraine et remonter sur le glacier en direction du mémorial que j'aperçois d'ici. Je vois aussi deux ou trois de mes camarades en contrebas, Olivier, Philippe et Christian. Daniel n'est pas loin et Christiane non plus. A quoi pensent-ils en ce moment ?
Je suis très fatigué mais je suis heureux (je souris "à l'intérieur").
Je n'ai pas assez mangé ce midi et je me sens un peu vide niveau énergie. Je commence certainement à être un peu en hypoglycémie.
Malgré tout, il faut finir et aller jusqu'à la stèle autour de laquelle je vois une dizaine de personnes.
La dernière petite rampe avant la plateforme d'arrivée est très raide. Je souffre en m'arrachant pour les dernières longueurs. Je suis comme "ailleurs"...
J'y suis.
Étonnamment, je ne me rappelle pas grand chose des instants que j'ai passés près du mémorial (les problèmes de fatigue plus le manque d'oxygène, plus l'hypoglycémie naissante, plus tout le reste n'arrangent rien, vous pouvez me croire ou alors faites l'expérience et on en reparle).
Ah si, j'ai discuté un peu avec Christiane. Je lui ai demandé de venir dire un petit mot à Joël, notre ami commun, pendant que je lui dédiais une petite vidéo. Cette séquence filmée, c'est une "cata", car on est submergé tous les deux par l'émotion et on arrive à peine à dire deux mots...
"Joël, si tu me lis un jour, cette vidéo, c'est pour toi". Je sais que tu n'es pas un familier des blogs, alors je te la ferai parvenir. Je pense que c'est Christiane qui a pris ces photos-souvenir. C'était un super moment !
| 13h59: Camp de base du Mont Everest... |
| Altitude: 5364m... |
C'est l'heure du bilan pour cet instant privilégié. On trouve facilement quelqu'un pour immortaliser ce moment: Notre groupe au camp de base de l'Everest. Nous sommes le 02 mai 2013, il est 14h: Derrière nous, les tentes multicolores du camp, le bout de la célèbre Ice-fall et le Khumbutse (6665m).
| Olivier, Daniel, Christiane, Philippe, Christian et Jean-Charles... |
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| Equipement maxi pour tout le monde, même pour Olivier qui a un collant sous son "jean"... |
Je m'autorise deux dernières photos car une nouvelle phase de soleil vient s'inviter sur les sommets au milieu des nuages.
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| Le Khumbutse sous la neige et dans un rayon de soleil... |
| Le Nuptse s'habille de la même façon... |
Maintenant, il faut penser à rentrer. On redescend du bord du glacier pour arriver au pied de la moraine latérale.
Au pied du raidillon, je me dis que je ne vais pas y arriver. Christiane est déjà en haut et attend que je finisse de manger une barre de céréales: C'est long parce que respirer par la bouche et manger à cette altitude, c'est pas simple.
Je me dis aussi que c'est la seule difficulté du retour parce qu'après, c'est plat ou presque et, ça descend. Je ne suis vraiment pas bien mais j'y arrive à "l'arrache". Je sais que je puise dans mes réserves et je sens qu'elles ne sont pas bien grandes.
J'avais déjà vécu ce genre de situation, mais à vélo, ça s'appelle une fringale. C'était à la fin de la "Bernard Hinault", en 1990, une épreuve de cyclotourisme bien connue en Bretagne. Dans la côte de Langueux, à 10 kms de l'arrivée, j'avais été obligé de m'arrêter pour me ravitailler en sucres rapides et en boisson. Autrement...
Plusieurs fois, je me sens à la limite de l'étourdissement, mais ça tient. L'effet "kiss cool" de la barre de céréales est aux abonnés absents. J'attends de revoir la partie de sable du départ avec impatience. Je marche avec le mental, je serre les dents. Je demande à Daniel s'il peut m'attendre. Nos quatre camarades sont légèrement devant nous.
Il accepte et se met derrière moi. Je ne pense pas qu'il voit que ma marche est déséquilibrée, que j'arrive à mettre un pied devant l'autre, mais qu'il ne faut pas m'en demander beaucoup plus.
Moi, en tous cas, je le sens bien, que je suis en situation inhabituelle, mais pour l'instant, j'arrive à gérer. J'vous le répète, je ne suis pas au top du tout. Ce retour est long, très long. Les petites ruptures de pente sont des petits défis que je gère les uns après les autres jusqu'au moment où j'aperçois enfin la plateforme de sable du départ (il parait que c'est le plus haut terrain de cricket au monde), mais le village n'est pas encore en vue.
Pour traverser l'espace sablonneux, Daniel vient se mettre à côté de moi et, un peu plus tard, c'est un grand soulagement quand je vois le village et son petit groupe de lodges. Je ne dis pas grand chose à Daniel (d'ordinaire, je parle et même beaucoup, parait-il !) car je m'applique à me tenir debout. J'ai des déséquilibres et des légers voiles flous dans les yeux. Moi, en tous cas, je le sens bien, que je suis en situation inhabituelle, mais pour l'instant, j'arrive à gérer. J'vous le répète, je ne suis pas au top du tout. Ce retour est long, très long. Les petites ruptures de pente sont des petits défis que je gère les uns après les autres jusqu'au moment où j'aperçois enfin la plateforme de sable du départ (il parait que c'est le plus haut terrain de cricket au monde), mais le village n'est pas encore en vue.
Je ne sais pas s'il s'en aperçoit. C'est sans doute en lisant ce blog qu'il l'apprendra, car je n'en ai parlé à personne après. Quand j'arrive dans le village, je veux le contourner par la gauche pour atteindre notre lodge. Bien entendu, je me trompe car je suis "limite" de tout . Je fais demi-tour et rejoins Daniel, qui m'a à nouveau attendu, sur l'option par la droite qui est la bonne.
Quand je rentre dans la pièce commune, je n'entends rien. Je sais seulement où je suis, c'est la seule chose qui compte pour moi et aussi, m'asseoir, manger et boire quelque chose...
Heureusement, il est 16h, et c'est l'heure du thé avec des petits gâteaux. Je crois que je n'en ai jamais autant mangé en une seule fois. Petit à petit, mais lentement, je me "requinque".
Je reste longtemps silencieux ce qui est rare chez moi (autodérision: J'vous l'ai déjà dit, non ?). Ce qui vient de m'arriver est un avertissement sérieux. Il va falloir que je mange plus, même si je dois me forcer.
Une heure après notre retour, il neige assez fort.
Evidemment, pendant le début de soirée consacrée au "rumminkub", aux échanges, aux rédactions de journaux de bord, il y a le briefing de Pradip, notre guide, où il est question de la deuxième option pour demain matin: L'ascension du Kala Patthar.
Le projet serait de se lever à 3h45 pour un départ vers 4h après un thé-gâteaux secs. Pour l'instant, je n'ai pris aucune décision définitive. Il est évident que si les chutes de neige s'intensifient, le projet sera abandonné. Mais si le projet se fait, je suis partant depuis le début, alors je vais voir comment je serai ce soir avant d'aller dormir.
Au repas, j'ai de la chance, c'est soupe à l'ail plus pizza et poires au sirop. Donc, je mange assez bien. Enfin !
Dehors, les chutes de neige ont cessé et dans l'état actuel, le projet serait maintenu si le temps est clair demain. C'est la condition première pour monter là-haut et assister au lever du soleil derrière l'Everest. Je tiens à cette photo et à cette ascension, même si je sais d'avance que ça ne va pas être une partie facile. Pour l'instant, nous ne sommes pas tous partants et demain on verra bien qui sera là au moment du départ...
Bonne nuit et à demain !
Namaste...


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